Photo Yannick Vigouroux,
« Villa
Cendrillon, Luc-sur-Mer, 2012 »
Mai
2012. Une chaise rose au fond du jardin, éclairée par une belle
lumière hivernale, froide et feutrée. C’est une chaise métallique
toute simple qui a été peinte en rose, comme sa sœur jumelle que
je découvrirai plus tard. La mer est là, derrière le mur de
plexiglas bleu rayé, non pas couleur de nacre mais opalescente.
Je
pose ma valise et mes sacs. Les parois de la villa sont minces, son
ancien propriétaire, dont le nom, justement, a sans doute pour
étymologie « maison » a visiblement tout construit
lui-même. Son modeste mais attachant refuge me fait un peu penser à
une maison d'enfant en carton pâte, impression renforcée par son
nom qui est une référence explicite au conte de fée, et
probablement, au dessin-animé de Walt Disney. D'emblée, je me
sens à l'aise dans cette demeure, dont les dimensions et
l’absence de prétention me conviennent parfaitement.
Ma
petite nièce de sept ans m’apprendra plus tard qu’en
réalité la couleur de la robe de Cendrillon n’est pas le rose
mais le bleu – ma couleur préférée – , qu’importe, les deux
couleurs sont là, formant un couple harmonieux comme ces
coussins sur le canapé.
Mon
« cabanon » normand en quelques sorte, il est pour moi
la version légèrement agrandie, si rassurante des cabines de plages
en bois, et relève du même vernaculaire naïf et attachant.
Cabines
de plage, chaises et bancs, passants et vacanciers aux chiens
curieux, autant de signes vernaculaires et de structures du littoral
qui s’égrènent doucement, au rythme des marées, de l’étirement
de l’espace et de la suspension du temps, sur la partition
silencieuse de mes minuscules poladroids…
23
décembre 2012 : moi qui n’aime guère la Fête de Noël, je
suis heureux de passer celle-ci à la Villa Cendrillon. Elle me
semble un lieu si propice à tous les contes, à toutes les féeries.
Hier
soir après avoir posé mes bagages, j’ai photographié cette
irréelle et minuscule nuit américaine de conte de fées à
Cendrillon due à l’éclairage de la cabane de jardin.
Dans
ce décor propice à toutes les métamorphoses, des êtres
chimériques surgissent peu à peu.
Il
y a d'abord, entre autres, involontairement assorties aux chaises et
au coussin, les bottes roses de Marie « dans le vent »
sur la plage.
Et,
plus tard, dans le jardin public de la Maison de la Baleine (qui
abrite l’immense squelette du cétacé, autre animal de légende
qui a fasciné tant de générations d’enfants de la région),
surgit un paon, entièrement blanc comme si on avait oublié de le
peindre...
Puis
il y a un soir, le papillon de Cendrillon : la métamorphose de
la chenille a du avoir lieu quelques jours avant mon arrivée samedi.
Le papillon reste prisonnier de sa cage : contre la vitre il
essaie en vain de s’envoler vers ce ciel inaccessible, se cogne
désespérément contre lui comme à un décor trompeur. Je l’ai
attrapé, j’ai pris soin de ne pas l’écraser dans mes doigts, ai
ouvert la porte de la cuisine. Cette fois il s’est heurté au toit
transparent de la véranda. Je l’ai attrapé à nouveau, j’ai
tourné la clef de la porte, l’ai poussée non sans peine, la
serrure montée à l’envers – il faut lever la poignée vers le
haut – coince un peu, et j’ai lâché le papillon dans le jardin
après avoir constaté, soulagé, que je ne l’avais pas écrasé
dans mon poing. Cette fois, il s’est envolé vers le ciel, au
niveau de la cabane de jardin que j’ai photographiée le soir de
mon arrivée.
Depuis,
d'infimes apparitions et métamorphoses n'ont cessé de se
multiplier, et, émerveillé comme un enfant, je n'ai de cesse de les
photographier.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire