lundi 10 juin 2013

Villa Cendrillon (2012-2013)



Photo Yannick Vigouroux,
« Villa Cendrillon, Luc-sur-Mer, 2012 »





Mai 2012. Une chaise rose au fond du jardin, éclairée par une belle lumière hivernale, froide et feutrée. C’est une chaise métallique toute simple qui a été peinte en rose, comme sa sœur jumelle que je découvrirai plus tard.  La mer est là, derrière le mur de plexiglas bleu rayé, non pas couleur de nacre mais opalescente.

Je pose ma valise et mes sacs. Les parois de la villa sont minces, son ancien propriétaire, dont le nom, justement, a sans doute pour étymologie « maison »  a visiblement tout construit lui-même. Son modeste mais attachant refuge me fait un peu penser à une maison d'enfant en carton pâte, impression renforcée par son nom qui est une référence explicite au conte de fée, et probablement, au dessin-animé de Walt Disney. D'emblée,  je me sens à l'aise dans cette  demeure, dont les dimensions et l’absence de prétention  me conviennent parfaitement.

Ma petite nièce de sept ans m’apprendra  plus tard qu’en réalité la couleur de la robe de Cendrillon n’est pas le rose mais le bleu – ma couleur préférée – , qu’importe, les deux couleurs sont là,  formant un couple harmonieux comme ces coussins sur le canapé.

Mon  «  cabanon  » normand en quelques sorte, il est pour moi la version légèrement agrandie, si rassurante des cabines de plages en bois, et relève du même vernaculaire naïf et attachant.

Cabines de plage, chaises et bancs, passants et vacanciers aux chiens curieux, autant de signes vernaculaires et de structures du littoral qui s’égrènent doucement, au rythme des marées, de l’étirement de l’espace et de la suspension du temps, sur la partition silencieuse de mes minuscules poladroids…

23 décembre 2012 : moi qui n’aime guère la Fête de Noël, je suis heureux de passer celle-ci à la Villa Cendrillon. Elle me semble un lieu si propice à tous les contes, à toutes les féeries.

Hier soir après avoir posé mes bagages, j’ai photographié cette irréelle et minuscule nuit américaine de conte de fées à Cendrillon due à l’éclairage de la cabane de jardin.

Dans ce décor propice à toutes les métamorphoses, des êtres chimériques surgissent peu à peu.

Il y a d'abord, entre autres, involontairement assorties aux chaises et au coussin, les bottes roses de Marie « dans le vent » sur la plage.

Et, plus tard, dans le jardin public de la Maison de la Baleine (qui abrite l’immense squelette du cétacé, autre animal de légende qui a fasciné tant de générations d’enfants de la région), surgit un paon, entièrement blanc comme si on avait oublié de le peindre...

Puis il y a un soir, le papillon de Cendrillon : la métamorphose de la chenille a du avoir lieu quelques jours avant mon arrivée samedi. Le papillon reste prisonnier de sa cage : contre la vitre il essaie en vain de s’envoler vers ce ciel inaccessible, se cogne désespérément contre lui comme à un décor trompeur. Je l’ai attrapé, j’ai pris soin de ne pas l’écraser dans mes doigts, ai ouvert la porte de la cuisine. Cette fois il s’est heurté au toit transparent de la véranda. Je l’ai attrapé à nouveau, j’ai tourné la clef de la porte, l’ai poussée non sans peine, la serrure montée à l’envers – il faut lever la poignée vers le haut – coince un peu, et j’ai lâché le papillon dans le jardin après avoir constaté, soulagé, que je ne l’avais pas écrasé dans mon poing. Cette fois, il s’est envolé vers le ciel, au niveau de la cabane de jardin que j’ai photographiée le soir de mon arrivée.

Depuis, d'infimes apparitions et métamorphoses n'ont cessé de se multiplier, et, émerveillé comme un enfant, je n'ai de cesse de les photographier.

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