Anonyme, « Cannes. Juillet
1955 ».
Épreuve gélatino-argentique 9,8 x 7,1
cm
(coll. Yannick Vigouroux)
La jeune
femme pose à côté de sa 2 CV sur le port de Cannes, au dos il est
écrit à l'encre bleue : « Cannes. Juillet 1955 ».
La photo trouvée sur le Marché
d'Aligre ne m'a coûté que 0,50 €
dimanche dernier. Pourtant, j'ai hésité à l'acheter car ce n'est
pas une trouvaille plus intéressante que cela. Il ne s'agissait pas
de l'une de ces petites perles épiphaniques qui méritent de figurer
dans les publications ou les expositions consacrées à la « photo
trouvée ». Je l'ai donc, après l'avoir saisie, redéposée
dans la boîte en carton, au milieu du vrac des cartes postales,
lettres et prospectus divers. Après avoir brassé en vain des
dizaines de morceaux de papier anonymes et sans relief qui ne me
« disaient rien » j'ai été pris de remord et j'ai
cherché l'image dans la pile, … ouf ! au bout de quelques
minutes je l'ai retrouvée, je l'ai regardée à nouveau, et j'ai
décidé de la garder. Je ne pouvais pas l'abandonner une seconde
fois.
- Vous ne prenez que cela ? M'a
demandé le brocanteur, un peu surpris...
Les petits bonheurs perdus des autres
sont-ils les nôtres quand on les retrouve ? Peut-être un peu, si l'on parvient à
les investir, par la magie du hasard, de son propre affect, de ses
propres souvenirs. L'image est transformée par cette relecture et
l'image nous transforme aussi.
©
Yannick Vigouroux, « Porto, septembre 2000 », série
« Littoralités » /
« Port de Tanger, s. d. »
(carte postale?)
Le « hasard objectif » cher
à André Breton existe-t-il ? Je le pense parfois lorsque,
cherchant dans mon ordinateur une photographie réalisée en 2000 à
Porto que je viens de scanner, je découvre hier cette image de
littoral à côté d'elle sur mon écran sans que j'ai jamais
souhaité ce rapprochement. Je l'ai capturée il y a longtemps sur
Internet, et je ne sais plus pour quelle raison ; j'en ai perdu
les références (je ne connais que le lieu et n'y suis jamais allé :
le port de Tanger). Elle ressemble tant formellement à celle de
Porto !... Étranges affinités et réminiscences qui empruntent
des voies sinueuses et inattendues, mais suscitent à chaque fois la
même sensation rassurante : l'illusion d'un espace unique et
familier retrouvé. « […] nous avons la nostalgie de la
continuité perdue... » (George Bataille).