Anonyme,
L'enfant rieur-arroseur, « Villefranche-sur-Mer, été 1949 »
Epreuve
gélatino-argentique 7,4 x 11,6 cm
(coll.
Yannick Vigouroux)
Un
ami m'a parlé l'autre soir du malaise que lui inspirait les albums
de famille anciens. J'ai longtemps ressenti la même chose, fui les
brocantes et les vide-greniers, la mélancolie lancinante que
m'inspiraient ces images de bonheurs perdus qui sentaient le muguet
fané et la naphtaline. Désormais, ce parfum frelaté a disparu de
mes investigations vagabondes de collectionneur. Mon attention à la
fois flottante et aiguisée me conduit désormais dans des contrées
plus sereines et souriantes. C'est ainsi que j'ai « glané »
hier matin la photo de cet enfant rejouant à sa façon la célèbre
scène de « L’arroseur arrosé » ...
©
Yannick Vigouroux « 7 octobre 2012 » (poladroid)
Caché
derrière un buisson, le garçon attend pour surprendre ses parents
et sa sœur. Je me promenais comme lui sur la promenade plantée du
Jardin de Reuilly, ce dimanche d'automne à Paris où le soleil
était enfin de la partie. J'avais la photo de Villefranche-sur-Mer
dans ma poche, achetée quelques minutes plus tôt à la brocante de
la place d'Aligre.
J'ai
croisé il y a quelques heures deux enfants facétieux qui
ressemblaient tellement à des frères. Les soixante années (plus
d'un demi-siècle!) qui devraient les séparer m'ont semblé, comme
par magie, comprimées, sinon annulées.
En
prenant avec mon téléphone hier, cette photo en couleur j'ai eu
l'impression de revivre l'été 1949 et ses jeux insouciants que je
n'ai jamais connus, mais qui me semblent désormais aussi familiers
et lumineux que l'automne 2012. Ce vers de Jean Rivet m'a semblé,
une fois de plus, prendre tout son sens : « Ce qui existe
un instant existe pour toujours » *.
*
Le jugement du poète sur la photo, sur ce qu'il estime être un mauvais usage, est toutefois
des plus sévères :